Sortant de son bureau, Gale s’apprête à mettre fin à sa journée de travail. 19 heures ! Et encore, parfois il lui arrive de terminer deux heures plus tard, mais c’est le 22 décembre et le 24 sonne bientôt. La veille de Noël, fête qu’il déteste par-dessus tout pour quelques raisons bien précises ; les soirées entre amis, il dit oui, les soirées en famille, il dit non. Sauf que chaque année c’est la même chose ! Le 24 c’est chez l’un, le 25, chez l’autre. A la différence que lorsque c’est dans la famille de Gale, c’est toujours plus délicat, puisque ces derniers ne savent pas que Finn et lui sont mariés.

En se retournant, l’homme range ses clés dans sa poche de manteau, avant de relever la tête en entendant une demoiselle pleurer. Non, ce n’est pas une patiente, mais une amie qui vient lui parler dès qu’elle a un souci et là, il semblerait bien que c’est le cas à en voir les larmes qui roulent sur ses joues. « Oh non. Tu ne pouvais pas attendre un peu avant d’avoir des problèmes ? » Lâche-t-il, franchement, en regardant l’heure qui défile autour du cadran. Eryn sanglote de plus belle et s’approche de Gale, se blottissant dans ses bras. Il déteste ça ! Les femmes pleurnichardes ! D’ailleurs, il ne manque pas de lui faire une réflexion : « Si tu pouvais éviter de me foutre en l’air mon tee-shirt, ce serait pas mal… » Lui, sans cœur ? Disons juste qu’elle ne tombe pas au bon moment. Doucement, il enroule sa silhouette d’un bras et tapote sur son dos pour la calmer. « C’est bon, c’est bon, ça va. Pleure pas. T’es moche quand tu pleures. » Ajoute-t-il, sans aucun tact. « Il me trompe. Il me trompe Gale. » « Tout le monde le sait Eryn. Ce n’est pas une surprise. Puis faut dire aussi que si j’étais hétéro, j’aurais trouvé la rouquine bien gaulée. » « Elle est brune. » Pouf. Gaffe. Est-ce qu’il doit lui avouer que la dernière était rousse ou lui dire ce qu’elle souhaite entendre pour la rassurer ? Gale prône la vérité, n’aime pas mentir, surtout si c’est pour qu’elle reste avec un imbécile pareil. C’est une jeune femme attachante, malgré le fait qu’elle est en train de se moucher sur son vêtement et qu’il trouve ça dégoûtant. Gale a la nette impression de revenir une dizaine d’années en arrière, lorsqu’il sortait avec sa dernière copine.

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Flash back.

14 février 2003, Tramore

Trois semaines. Trois semaines que Gale sort avec cette fille qui s’est déjà attachée à lui en si peu de temps. Il n’arrive même pas à comprendre comment une femme peut ressentir des sentiments en à peine un mois, mais pour le moment, ce n’est pas la chose qui l’inquiète le plus, mais plutôt cette main qu’elle crispe sur sa chemise et ses larmes qui tombent dessus, la mouillant au passage. Tout ça pour quelle raison ? Pour… Ce film ! Titanic. Un film à l’eau de rose, un film de fille, un film qui tombe à pic pour cette fête ridicule qu’est la Saint-Valentin, une fête commerciale et sans aucun intérêt, à part celui de dépenser de l’argent inutilement. Ne comptez même pas sur lui pour avoir offert un cadeau ! Les chocolats, les fleurs… Il ne veut pas ressembler à tous ces mecs qui sont aux pieds de leurs nanas ! « Qu’est-ce que ce film a pour lui ? Le plus intéressant, tu le connais dès la première minute du film ! Le paquebot coule, fin de l’histoire. » La jeune femme se redresse aussitôt, le regard planté dans le sien, l’air presque choqué : « Mais ce n’est pas que ça. C’est une belle histoire d’amour entre Rose et Jack ! » Blablabla. Blablabla. C’est n’importe quoi. En plus, il trouve ça vraiment niais et répugnant. Semblant soudainement attendrie, la petite brune pose ses lèvres sur les siennes et lui murmure alors : « Gale ? » « Hm ? » Silence. L’homme ne fait pas très attention à elle, se sentant blasé, préférant presque s’ennuyer devant Titanic que de devoir l’observer avec ses yeux brillants. « Je t’aime. » « C’est fini. » Répond-il, du tac-au tac, n’étant pas du genre à passer par quatre chemins. « Qu- Quoi ? » « T’es sourde ? » Gale la repousse, se lève et attrape son manteau qu’il met sur lui. « Je te quitte. Tu me fais flipper ! » « Gale ! » S’exclame-t-elle, en se levant rapidement pour le suivre, attrapant son bras pour qu’il s’arrête face à elle. « Ca fait que trois semaines putain. Trois semaines ! Toi tu me balances trois mots qui ne signifient absolument rien pour moi. Je ne ressens rien pour toi. Désolé. » Répond Gale, en se libérant de son emprise, ouvrant la porte pour disparaître.

C’est la dernière femme avec qui il est sorti. S’il a renoncé, c’est parce qu’être avec ces femmes ne lui faisaient rien. Ca représentait une perte de temps énorme et à chaque fois, ça ne durait jamais longtemps. Pour ses parents comme pour tous ceux qui le connaissaient, Gale représentait le coureur de jupons, celui qui n’arrive pas à se stabiliser et qui ne le souhaite pas, alors qu’en vérité, c’était qu’il ne ressentait tout simplement aucune attirance pour la gente féminine. Les hommes, ça, c’était son truc. Il l’a compris quelques mois plus tard, en rencontrant Arlen.

« Ce n’était pas la première, n’est-ce pas ? » Demande-t-elle, en faisant un pas en arrière, le scrutant des yeux avec les siens qui continuent leur avalanche de larmes. « Je sais que toi tu me diras la vérité, que tu ne me mentiras pas. » Oui, elle le sait. S’il y a bien quelqu’un qui peut se montrer franc et honnête, c’est bien lui, même si, comme tout homme, il a des zones d’ombre. « Non. Il y en a eu plein d’autre. » « Pourquoi tu ne me l’as pas dit ? Je croyais qu’on était amis. » « Parce que tu ne me l’as pas demandé, tout simplement. » Aussi parce que ce n’était pas son problème et qu’il n’avait pas envie de se mêler d’une histoire de couple. Ca l’emmerde beaucoup. Quant au fait qu’ils sont amis, oui, c’est le cas, mais il ne faut pas trop lui en demander non plus. « Te prends pas la tête pour un mec comme ça. Ca sert à rien de pleurnicher pour un guignol qui va à droite et à gauche. C’est stupide. » « Mais je l’aime. » Soupir. Les trois mots qui ne veulent rien dire. De toute sa vie, il ne l’a jamais dit une seule fois. Pas même à sa famille ! Encore moins à son mari. Pourtant, il ressent des choses fortes à son égard, mais de là à dire que c’est un amour fort qui vaut les trois mots… Non, il ne pense pas. « Oui, bah en l’occurrence, lui ne tient pas vraiment à toi pour se taper une nenette de dix ans de moins que toi chaque soir. » Tout ça dans quel but ? Se sentir plus jeune ? A 31 ans, Gale se sent bien dans sa peau et plus ou moins mâture. Il ne reviendrait jamais dix ans plus tôt. Qu’on se le dise, la trentaine est un bon chiffre, pourquoi le gars d’Eryn ne le voit pas ? « Ecoute… Ca te passera. Y’a d’autres hommes mieux que ça sur terre. Laisse-le tomber et viens avec moi, il faut que j’aille faire quelques courses avant de rejoindre Finn. Je te déposerai en rentrant. » Lui dit-il, en prenant Eryn par les épaules pour l’attirer hors du bâtiment. Très vite, ils se retrouvent dans sa voiture, où, automatiquement, la radio se lance. Une radio qui passe exclusivement des titres des années 80, de son époque. « Et toi, tu n’as jamais eu envie d’aller voir ailleurs ? » Fronçant les sourcils, Gale ne répond rien pendant quelques secondes, repensant à l’an dernier, là où tout a dérapé.

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Flash back.

24 décembre 2011, Waterford

« Gale, je sais que tu es là ! » S’exclame Finn, en sortant son double de clés et en entrant dans l’appartement de son mari. Même si ça fait trois ans qu’ils sont mariés, tous les deux ne vivent toujours pas ensemble, par refus de Gale. Indépendant, souhaitant préserver sa liberté à laquelle il a pourtant tiré un trait en 2008, se mariant avec un homme, chose qui a été très difficile pour lui qui s’est retrouvé à manger des pots glacés avec sa frangine avant et après la cérémonie. « Tous les ans c’est la même chose ! » Lâche Finn, en s’approchant de Gale, lui arrachant le journal des mains. « Va t’habiller, on va être en retard. » « Tu ne peux pas y aller tout seul pour une fois ? T’as vraiment besoin de moi pour t’accompagner ? » Faisant une tête qui en dit long sur sa réponse, Finn croise les bras et secoue la tête. « D’après toi ? » Soupirant, Gale se lève et part directement dans la salle de bain où il prend une douche, avant de s’habiller d’un jean bleu et d’une chemise blanche. « Et ton costume ? » « Nan mais tu m’as regardé ? Moi, prendre un costume ? Déjà que je dois me coltiner ta cousine horrible pendant toute la soirée, vaut mieux pas que t’en rajoutes. » Gale n’a jamais porté de costume, jamais. Même pas à son propre mariage, c’est pour dire ! Ce genre de choses pour ressembler à Monsieur tout le monde et ce qu’il doit faire dans chaque situation, très peu pour lui. Prenant son manteau noir qu’il met sur lui, se chaussant ensuite de ses petites bottines noires qu’il trouve à l’entrée, l’homme suit de près Finn qui sort de l’appartement, pour rejoindre sa voiture et conduire jusqu’à cette fameuse maison que Gale déteste tant. Les réunions familiales, il déteste ça. Ce qu’il déteste encore plus, c’est cette femme qui a un drôle de pouvoir sur lui. Plaquant son visage sur la vitre, il repense à toutes ces fois où il l’a vue, les nombreuses fois où ça partait toujours en vrille. A chaque rencontre, il fallait qu’ils se prennent la tête pour des broutilles. Et plus le temps passait, plus ça devenait houleux. Ils avaient toujours des choses à se reprocher, des trucs invraisemblables, stupides et qui n’a aucune importance, mais qui prenaient des ampleurs incroyables entre eux. Et aujourd’hui, il sent que ce ne sera pas une année qui fera exception. Cinq ans déjà que c’est comme ça. « Au fait, Patricia sera là, comme tu t’en doutes. Ce serait bien de faire un effort, pour une fois. Elle a perdu un être cher. » Soudainement, Gale tourne la tête vers Finn, semblant surpris. « C’est qui ? » « Adrian. » En temps normal, il n’est pas touché quand ça concerne des personnes qu’il déteste, mais là… C’est différent. Gale sent son cœur se resserrer, ressentant de la peine pour Patricia. Cette dernière doit se sentir terriblement mal suite à cette perte et cette année sans lui, à peine un mois avant la fusillade, doit lui être pénible. C’est ce genre de ressentis qui lui est insupportable. Gale n’arrive pas à se comprendre lui-même. C’est peut-être parce qu’il la considère, au fond, comme une amie ? Une petite-sœur ? Oh non. C’est encore plus profond que ça, mais il n’arrive pas à mettre le doigt sur ce que ça peut être et ce qui le pousse donc à se montrer désagréable à chaque fois qu’ils se croisent. Positionnant de nouveau sa tête sur la vitre, Gale ne préfère rien répondre. Fier comme il est, il préfère largement paraître comme étant un sans cœur aux yeux des autres qu’oser dire que ça le touche. Pas concernant Patricia, cette femme qui lui est particulière. « Nous sommes arrivés ! » Crie Finn, enjoué, en sortant de la voiture. Soufflant, Gale fait de même et fait le tour jusqu’au coffre, prenant quelques cadeaux et une bouteille de champagne, alors que Finn prend l’autre moitié.

Face à la porte, il n’a qu’une seule envie, c’est de s’en aller le plus rapidement possible pour fuir une énième dispute. Ce n’est pourtant pas son genre, mais l’ambiance électrique qu’il ressent lorsqu’il est en face de cette femme, l’effraie au plus haut point. Jamais encore il n’a pu ressentir de telles choses avec une femme, certainement parce que toutes ses ex, ça se passait… bien ? Elles allaient toujours dans son sens, ne voulant pas aller contre ses envies et rares étaient les fois où il y avait des disputes. C’est lui qui les provoquait, mais tout rentrait dans l’ordre très rapidement. En même temps, ils étaient jeunes. La porte s’ouvre alors et c’est à Madame Campbell qu’ils font face. « Entrez vous deux, entrez ! » S’exclame-t-elle, enjouée, en débarrassant Finn de quelques paquets, alors que Gale s’efforce de sourire, crispé. Alors que Finn parle avec sa tante, lui dépose le reste des paquets au pied du sapin, faisant ensuite face à l’oncle. « Bonsoir. » Se contente-t-il de dire, ayant pour simple réponse un signe de la tête. Entre Gale et cet homme, ça n’a jamais été ça. Si avec la mère de Trish, ça se passe très bien, avec son père, c’est tension sur tension. Certainement parce qu’à chaque fois qu’ils se voient, c’est toujours lorsqu’il y a une querelle entre sa fille et Gale dans la soirée. Autant dire que ce n’est pas apprécié. Raison de plus pour ne pas vouloir être présent, mais il est bien obligé de participer, pour Finn. Déjà qu’il lui impose beaucoup… Chose qui ne le fait pas culpabiliser ; en se mettant avec Gale, Finn savait très bien que ça allait être difficile et qu’il faudrait qu’il fasse des concessions, tout comme ce qu’est en train de faire Gale à l’instant.

Pendant le repas, tout se passe plus ou moins bien, même si Trish et lui sont obligés de s’envoyer des bombes en pleine figure et si la première vanne a été difficile à poser, les suivants ont été très simples. « Tu veux bien me donner le saladier s’il te plait, Finn ? » Demande-t-elle, alors que Gale l’attrape pour le lui tendre. « Pour que tu deviennes encore plus grosse ? Tiens. » Dit-il, en réponse, arborant un large sourire, pendant que Patricia lui lance un regard noir. « Tu n’aurais peut-être pas dû dire ça. » Souffle Finn, au creux de son oreille. « Quoi ? Ce n’est quand même pas de ma faute si elle n’a pas une taille mannequin. Avec tous les chocolats qu’elle bouffe aussi, c’est pas étonnant. » « Gale, s’il te plait. » « Tu peux bien parler, regarde-toi ! C’est la troisième fois que tu reprends de ce plat en sauce. Attention, à partir d’un certain âge, ça s’accumule plus facilement. » Dit-elle, en lui montrant du doigt son ventre, signe qu’il a déjà un petit bidon. Amusé, Finn baisse la tête avec un petit sourire, ce que Gale remarque aussitôt. « Arrête de te marrer ! » « Stop, stop. Plutôt que de vous disputer, tous les deux, allez donc ranger les plats et apporter le dessert ! Il est dans le réfrigérateur. Allez ! » Ce n’est pas chez lui, hein, pourquoi doit-il faire un truc pareil ? Quelle corvée. Gale s’exécute tout de même pour se rendre dans la cuisine, aux côtés de Patricia à qui il donne un coup d’épaule pour la déstabiliser. Se défendant, elle fait de même, avec la force qu’elle a, ce qui ne manque pas de le faire sourire. « Oh oh. Si tu crois que tu vas me bousculer avec ta force minable… » « C’est vrai qu’avec toute la graisse que tu as accumulé au fil des années… » Posant le plat sur la table, Gale se tourne vers Patricia, profitant du fait qu’ils soient seuls pour lui crier dessus sans se faire remonter les bretelles. « Oh, ça fait tellement longtemps que j’ai envie de te le dire et je m’étais bien contenu jusque là, parce que Finn me l’avait demandé, mais écoute bien : tu es une garce. Une vraie garce ! Je ne peux même pas te voir en peinture ! » « Et tu crois que je peux te voir en peinture, moi ? » Demande Trish, en lui donnant un coup à l’épaule, énervée, puis en lui en donnant un autre coup au torse. « Depuis le premier jour, tu m’agaces. Tu es horrible, que ce soit dans tes propos ou dans ton comportement. » « Et qu’est-ce qu’il a mon comportement ? C’est le fait que je te dise la vérité, qui te dérange ? Je suppose que personne t’a encore dit que tu avais une tête en forme de ballon de rugby, des yeux déformés, des- » « Tu vois, c’est de ça dont je veux te parler ! Tu es incapable de te montrer agréable au moins pendant quelques minutes. Et si tu veux tout savoir : toi aussi, tu me sors par les yeux. » « Je te déteste, Patricia Campbell, je te déteste. Je me passerai bien de ce genre de soirée. » « Moi aussi, moi aussi, je te déteste ! » « Très bien ! » « Très bien ! » Le cœur battant à cent à l’heure, Gale l’observe un instant, se mordant la lèvre inférieure, avant de s’approcher d’elle et poser sa main sur sa nuque, appuyant ensuite ses lèvres sur les siennes. Si Patricia est d’abord surprise, il sent qu’elle se laisse un peu aller en plaçant sa main sur son épaule, puis la remontant dans ses cheveux. Il ne sait pas du tout ce qui se passe, pourquoi il fait ça, mais il sait une chose, c’est qu’il aime ça. Se laissant aller par ses envies, son désir pour elle, Gale la plaque contre le meuble d’appoint, puis la prend par la taille pour la soulever et l’installer dessus, alors que le baiser se prolonge. Les jambes de Trish s’enroulent autour de sa taille, alors que son torse se colle contre sa poitrine. Ca aurait pu continuer longtemps, si Gale, d’un geste maladroit, n’avait pas fait tomber un couteau dans l’évier. Le bruit retentissant, Gale stoppe immédiatement le baiser et c’est le souffle court qu’il s’éloigne de la cousine de Finn. Passant sa main sur son visage, sur sa bouche, il fait un autre pas en arrière, avant de disparaître dans le salon, laissant la jeune femme derrière lui.

« Non, non. Je n’ai jamais eu envie d’aller voir ailleurs. » Mensonge. Gale n’assume pas du tout ce qui s’est passé l’an dernier, il n’assume pas l’attirance qu’il ressent pour cette femme. Si encore ce n’était qu’un dérapage sans aucune importance, mais c’est bien plus que ça. Il n’a pas arrêté d’y penser et de vouloir recommencer, de l’avoir rien que pour lui et ça le perturbe énormément, ce pourquoi il passe de plus en plus de temps avec Finn, allant dormir chez lui, ou l’appelant pour le rejoindre, plusieurs fois dans la semaine, chose qu’il ne fait jamais, parce que c’est un fanatique de son indépendance, mais il a l’impression d’être… lui. Il a besoin de se rassurer. « Finn me comble. » Oui, en quelque sorte. « C’est d’ailleurs pour ça qu’on est marié. » Oui, même si son mariage a été très… bizarre. Gale a été victime d’un état passager, un état de blues, avant et après le mariage, pendant une longue semaine.

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Flash back.

Vendredi 13 juin 2008, Tramore

Installé sur son canapé, les jambes sur la table, le pot de crème glacée dans les mains, Gale regarde la télévision, un film pathétique, de la romance, une histoire d’amour entre une femme et un homme. « Salut toi. » Gale tourne la tête vers la jeune femme qui vient d’entrer sans frapper, chose qu’elle fait toujours en période d’un vendredi 13. Gale ne sort jamais ce jour-là, préférant rester cloitrer chez lui. Et tant pis s’il est censé travailler, il a posé son jour de congé ! C’est comme ça, quand on est un grand superstitieux. « Je savais que tu serais là, alors j’ai posé, moi aussi, un jour, pour te tenir compagnie. J’ai apporté des tonnes de bonbons ! Et des gâteaux apéritifs, ce que tu adores. » C’est sa frangine. Elle pense toujours à tout. Voyant que Gale ne bouge pas d’un pouce, elle s’approche et se laisse tomber sur le canapé, à côté de lui. « Alors, plus qu’une semaine. » Déprimant encore un peu plus, Gale plonge sa cuillère dans le pot et en sort une grosse bouchée qu’il engouffre dans sa bouche. « Oh… Je vois. C’est à cause de ça. » « J’ai pas envie de me marier. » L’engagement, ça lui a toujours fait une sacrée trouille. Pour que Gale accepte, Finn avait dû le demander en mariage une bonne dizaine de fois, jusqu’à ce qu’il finisse par céder, mais il déprime vraiment. « Tu peux toujours faire marche arrière… » « Tu penses bien que j’ai été voir Finn pour lui en parler, mais il a tout fait pour que ça se passe bien. » Il a accepté de ne pas emménager avec lui, de ne pas partager le même lieu de vie, de ne pas se voir tous les jours. Il est génial ! Gale l’adore ! Oui, c’est ça. Il l’adore. Et c’est peut-être ça, le problème. C’est que malgré le fait qu’il ressente des choses extrêmement fortes pour cet homme, qu’il aime passer du temps avec lui, déconner, ce n’est pas ce qu’on peut appeler… de l’amour. En même temps, il n’est jamais tombé amoureux et ne sait pas ce que c’est. Peut-être qu’avec le temps, il y arrivera avec Finn ? « Ca se passera bien, tu verras… » Dit-elle, en le prenant par les épaules, le ramenant vers elle pour le consoler. « Tu ne veux toujours pas en parler aux parents ? » « Pas question. » Oh ça non. Ils le croient encore célibataire et pensent qu’il est à fond dans son travail. Si Gale n’en avait pas parlé, ce n’est pas parce qu’il n’assume pas son homosexualité, au contraire, mais parce que ses parents sont homophobes, ne trouvant pas « ça » normal. Deux hommes ensemble ou deux femmes ensemble… Pour eux, un homme doit être avec une femme. C’est la normalité des choses. S’ils savaient. Heureusement que sa sœur était là. Et elle avait dû être là tous les jours suivants. Le jour de son mariage, une semaine plus tard, elle avait même dû l’empêcher de s’enfuir par la petite fenêtre des toilettes. Une catastrophe.

« Je n’arrive pas à comprendre comment vous pouvez être heureux, tous les deux, en vivant comme ça. » « C’est un choix de vie. » Lui est indépendant et Finn l’est tout autant, même s’il est vrai qu’il préférerait vivre avec Gale. Avec ce qui se passe en ce moment, il est fort possible que Gale finisse par céder, dans l’unique but de se reprendre en main et de ne plus penser à… elle. Elle qui sera encore là, le 24. Les fêtes de fin d’années vont être très chouettes, encore une fois.